Il y a deux sortes d’individus dans le monde. Ceux qui se lèvent tous les matins en repassant dans leur tête la liste interminable de ce qu’il doivent faire, et ceux qui, comme Cennyd, se lèvent tous les matins en repassant dans leur tête la liste interminable de ce qu’ils peuvent faire. Toute la différence des mondes en un mot.
Ce matin là, l’ancien serpentard ne savait pas encore comment l’utiliser. Il n’avait pas cours particuliers de prévus, pas vraiment de choses à faire si ce n’était boire son café et lire le journal. Les terres se géraient plus ou moins toutes seules ou Placidia s’en occupait, le Bâtard avait définitivement arrêté de polluer le monde sorcier de sa présence, Wagner ne perdait rien pour attendre, il était trop heureux.
L’esprit du jeune homme s’arrêta sur cette idée. L’envie d’ennuyer son ennemi de toujours lui plaisait bien mais il n’était pas du genre à foncer sur le premier gâteau appétissant qu’il voyait. Il préférait d’abord lire le menu en entier.
Pensif, Ced se leva. S’emmitoufla dans une robe de chambre moelleuse à souhait et réveilla sa compagne de la nuit. Fallait pas qu’elle s’incruste celle-là. Après tout elle avait servit. Puis, il descendit tranquillement dans la grande salle, posa un baiser respectueux sur la joue ridée de sa mère qui dormait encore moins que lui et se fit servir un café. Le silence de la pièce était prenant mais sans aucun poids. Les McAyr vivaient ensemble en bonne harmonie et n’avaient pas besoin de montrer leur affection par de grandes tirades. Le simple fait d’être ensemble suffisait. Et puis Cennyd était en plein dilemme personnel.
Allait-il ou non passer sa journée au ministère ? Cela faisait longtemps qu’il n’y avait pas mit les pieds et il était toujours bon pour un jeune noble de se tenir au courant des rumeurs, voire de tester son influence sur tel ou tel point. D’un autre côté, depuis l’arrivée au pouvoir du Seigneur des Ténèbres, il n’était pas très prudent de se faire trop remarquer. Certes, son rang sanguin ET social le mettait à l’abri de toute poursuite mais il n’oubliait pas qu’il avait été Auror. Sans parler du fait que les couloirs de « l’autrefois vénérable institut » grouillaient maintenant de sous larves psychopathes ne rêvant que de gravir les échelons de la hiérarchie. Enfin, il fallait bien occuper les roturiers pour les empêcher de faire des bêtises n’est ce pas ? Allons, c’était dit. Il allait imposer à ces idiots l’honneur de sa visite.
« Alors ? » demanda sa mère d’une voix polie, faisant irruption dans ses pensées avec sa douceur habituelle.
« Ministère. »
Cennyd se leva, remonta dans sa chambre, heureux de voir que la greluche avait quitté son lit (où était-elle, il n’en savait rien, Twilly, l’elfe de maison, avait dû lui montrer la sortie.). Il s’habilla rapidement mais élégamment d’une robe de sorcier gris souris aux broderies vertes, taillée évidement sur mesure mais assez sobrement. Les bureaucrates ne devaient pas penser qu’il faisait des efforts en leur présence. Ils ne devaient jamais oublier à quel point il leur était supérieur.
Cela fait, il utilisa sa cheminette et apparu dans un effet de poussière verte, dans l’atrium. Comme toujours, le hall était rempli de sorciers en tous genres, pressées, taciturnes ou encore joyeux et flemmard qui s’interpellaient au milieu des messages volants. Cennyd s’avança, aussitôt remarqués par quelques connaissances. Il évoluait dans cette ambiance avec une aisance née de l’habitude, saluant d’anciens collègues, d’autres sangs purs ou encore quelques « serviteurs » avec la nonchalance moqueuse qui ne l’avait jamais quittée. Mais derrière ce masque social, le regard gris du noble cherchait quelqu’un. Un ancien serdaigle arrogant, aux cheveux noirs et aux yeux bleus…