Les risques du métier (libre)

Agacé, James passa une main fébrile dans ses cheveux, soulevant quelques mèches noires qui mirent quelques instants à reprendre leur place d'origine. Le rapport qu'il avait sous les yeux était tout bonnement désespérant ; il avait demandé un état précis du service "archives" de son département, et voilà que l'imbécile auquel il avait confié la tâche lui rendait ce torchon... Les fautes n'étaient rien ; l'homme avait du mal à s'exprimer par écrit, mais James ne savait à quoi attribuer ces difficultés : syntaxe défaillante, ou... terreur ? Le fonctionnaire n'en menait pas large en lui remettant le rapport, et le jeune homme comprenait à présent pourquoi. Le document faisait état d'un classement assez approximatif des archives et- comble de l'horreur- de la disparition pure et simple de deux boîtes d'archives. Deux boîtes ! pas une feuille ou une liasse... deux boîtes, bon sang ! Repliant le rapport, James quitta son bureau dont il claqua vigoureusement la porte, et se précipita vers la salle des archives.
Un joyeux bazar régnait là ; les boîtes s'empilaient au petit bonheur la chance, sans le moindre égard pour leurs numéros de série, la 17E sur la 4J5, et l'agacement de James fit place à une réelle exaspération. Sur l'une des étagères, comme le décrivait le rapport, la trace de deux boîtes apparaissait dans la poussière, mais on ne pouvait imaginer qu'elles étaient simplement mal rangées : l'homme avait patiemment dressé une liste des boîtes, et les deux manquantes portaient des numéros de milieu de série.
Bouillonnant d'une rage contenue, James quitta la pièce, et regagna son bureau. Là, il rédigea à la hâte une note, destinée à l'un des employés du Département, un type digne de tous soupçons... Il suffisait de voir sa tête de faux-jeton pour comprendre qu'il n'était pas net, le Mike McDougal. James agita sa baguette, et la note ensorcelée quitta le bureau pour aller porter la bonne nouvelle à l'heureux élu :

Sur la note, James a écrit:: Deux boîtes d'archives ont disparu (numéros 4C1 et 4C2). Retrouvez-les au plus vite ou vous irez rendre compte de cette disparition au Ministre en personne. Vous avez 48 heures.
JK.

L'employé échouerait probablement, et ce serait au moins l'occasion de se débarrasser d'un subalterne déplaisant et suspect de tiédeur à l'encontre du Lord. James l'avait vaguement connu à l'époque où lui-même était simple Langue-de-Plomb, et les discours de son collègue lui avaient semblé bien confus ; il jurait que son allégeance au Seigneur des Ténèbres était inconditionnelle, mais il ne parlait pas du Mage noir avec tout le respect voulu, et avait même une fois brisé le Tabou. McDougal était malheureusement assez malin pour ne pas laisser de preuves trop évidentes de sa réelle opinion, et James venait de décider que lui coller la disparition des boîtes sur le dos serait l'occasion d'un interrogatoire serré. Le jeune directeur-adjoint savait que cette bourde lui causerait bien des désagréments- pas plus tard que tout à l'heure, quand il en informerait le directeur ; il serait responsable devant son supérieur comme celui-ci l'était devant le Ministre, et en fonction de la réaction du Seigneur des Ténèbres, les représailles allaient s'enchaîner, plus ou moins vigoureuses... McDougal serait le dernier maillon, celui qui prendrait le plus.

Rapport en poche, James quitta à nouveau son bureau, un peu nerveux ; il était temps d'aller informer le directeur de la disparition des deux boîtes, et ce ne serait pas une partie de plaisir. Le jeune homme décida de s'accorder une pause avant d'y aller, et il prit l'ascenseur jusqu'à l'atrium pour y fumer une cigarette. Là, il croiserait peut-être quelques connaissances, de quoi se détendre un peu avant d'affronter le directeur et les reproches qu'il ne manquerait pas de lui faire... Comme si c'était lui qui avait embarqué ces deux boîtes de malheur pour caler le pied d'une armoire...

Soupirant, le jeune directeur-adjoint sortit de l'ascenseur, et alluma sa cigarette. Il n'avait pu abandonner les cigarettes moldues, tellement plus addictives que le tabac trop propre des sorciers... Les yeux mi-clos, il tira une profonde bouffée qui lui remplit délicieusement la bouche et les poumons, avant de recracher la fumée vers le ciel... ou ce qui en tenait lieu au ministère. Autour de lui, l'atrium grouillait de son mouvement familier, mais l'ambiance était bien différente de ce qu'elle était avant que le Lord prenne le pouvoir ; désormais, chacun vaquait à ses occupations en silence, la mine grave, et on n'assistait plus aux conversations interminables entre employé que l'atrium abritait naguère. Cette constatation fit sourire James. L'empreinte du Seigneur des Ténèbres se trouvait partout, pour le plus grand bien.

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